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Pourquoi le Parmesan est si bon : tous les secrets de sa production
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Pascale Weeks

En Italie, le Parmesan (Parmigiano Reggiano) tient une grande place dans les familles. Saviez- vous que la croûte du Parmesan est le premier aliment que mangent les bébés quand ils commencent à faire leurs dents ? Si vous parlez avec un habitant d’Emilie Romagne, il vous dira droit dans les yeux qu’il préfère mourir que d'être privé de Parmesan, produit exclusivement dans une partie de leur belle région.

 

Si le Parmesan est autant apprécié c’est qu’il a su garder des méthodes de production ancestrales tout en étant bien intégré dans notre époque. C’est le fruit du travail quotidien de fromagers passionnés qui transforment la matière première vivante qu’est le lait cru en un fromage qui a une longueur en bouche incroyable. 

 

On vous raconte comment naît le Parmesan ?

Pascale Weeks

Direction les montagnes au dessus du village de Calestano près de Parme, dans la Caseificio di Montagna (fruitière de montagne) de Ravarano e Casaselvatica. 

Damiano Delfante y produit avec son équipe du Parmesan, 365 jours par an. Il a la responsabilité de faire un produit d'exception à partir du lait des 10 producteurs qui composent cette coopérative. Il représente la quatrième génération qui officie dans cette fromagerie et il a tout appris de son père et de son grand-père. 

 

Moins de deux heures après la traite du matin et celle du soir, le lait arrive par petites citernes. C’est la première fois que je voyais des citernes aux 4 roues motrices. C’est normal, nous sommes en montagne et il faut bien cela en hiver.   

 

Damiano échange chaque jour avec les producteurs. Selon la météo et ce que les vaches mangent, la production sera différente. Il doit le savoir avant de démarrer, n’oublions pas que le lait cru est un produit vivant.

 

Ce que mangent les vaches

 

L'alimentation des vaches est extrêmement réglementée par le cahier des charges du consortium du Parmesan. Normal : tout ce que mange la vache se retrouve dans le lait. Pas d’antibiotiques autorisés, les vaches se nourrissent uniquement d’herbes fraîches ou de foin bien sec en hiver en provenance de l'exploitation ou des alentours. Pas d'ensilage c’est à dire d’herbes ou de céréales fermentées, on préfère la fermentation qui a lieu dans l’estomac des vaches lors de la rumination.  

 

Bon à savoir ? Quand l'été est très sec, le Parmesan produit alors des saveurs très concentrées.

 

Tout commence par le lait

 

Le soir, le lait est entreposé dans une grande cuve en métal dans laquelle il restera toute la nuit. Il est écrémé naturellement à une température de 18°C pour ne pas “tuer” le lait cru. La crème est vendue et se transformera généralement en beurre, très consommé dans cette région. Le lendemain matin, le lait écrémé est mélangé dans des grandes cuves en inox coniques avec le lait de la traite du matin qui lui, est laissé entier.  

 

Quand le lait se transforme en caillé

 

Lorsque le lait est tiède, on ajoute dans chaque cuve le petit lait ou lactosérum de la veille qui a été “élevé” dans une cuve spécifique. Il fait office de levain naturel qui va rendre le lait acide et permettre d’ajouter une armée de bonnes bactéries qui vont tuer les mauvaises. Une mauvaise bactérie serait par exemple celle qui produit des gaz responsables de poches dans le fromage lors de l’affinage, voire de fermentations trop intenses. Ce levain naturel à base de petit lait ne doit pas avoir plus de 24 heures et doit provenir impérativement de la fromagerie. C’est pourquoi il ne peut jamais y avoir de pause dans la production.

 

On ajoute ensuite la présure. Au bout de 10 minutes, le lait commence à cailler puis au fur et à mesure, les protéines du lait s'agrègent les unes aux autres pour former un caillé élastique.

 

Pendant tout ce processus, la température augmente dans les cuves, grâce à de la vapeur présente dans les doubles parois.  

 

Pourquoi les cuves sont-elles en cuivre ? Le cuivre et les particules de lait ont la même charge électrique. Ces dernières ne collent donc pas à la cuve. 

 

Pascale Weeks

C’est fascinant de voir ces étapes. Damiano prélève à la louche du mélange dans chaque cuve. Il touche le caillé, le regarde et gère alors la température des cuves, comme s’il cuisinait. En même temps, son équipe tranche le caillé régulièrement et manuellement à l’aide d’un tranche caillé très particulier appelé “Spinatura”.

 

Pascale Weeks

C’est le moment de la journée qui demande le plus grand savoir-faire et la plus grande concentration car le cahier des charges interdit toute manipulation ultérieure qui pourrait corriger les erreurs.

 

Quand les grains de caillé sont comme il le faut, on augmente encore la température des cuves. Cela provoque la rétraction des grains qui vont encore plus se séparer de leur petit lait ou lactosérum. Là encore, pas de recettes, c’est l’oeil, le toucher et l’expérience qui font prendre à Damiano les bonnes décisions.

 

Les grains se précipitent alors au fond de la cuve pour former une masse compacte que le fromager récupère à l’aide d’un grand tissu en lin qu’ils accrochent sur une tige posée sur les cuves. La boule est détaillée en deux parties qui donneront deux meules. Chaque meule représente 550 litres de lait et pèsera à la fin près de 40 kilos..

 

Pascale Weeks

On laisse égoutter un peu puis on récupère chaque boule de pâte que l’on met dans des moules en plastique. On laisse égoutter sur des tables en bois de laurier, on retourne régulièrement les fromages et on change le lin toutes les deux heures pendant 8 heures.

 

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Une fois le lin retiré, on marque chaque fromage avec une plaque de caséine qui sera sa carte d'identité. On ajoute aussi une plaque entre le fromage et le moule qui va graver sur tout le pourtour en pointillés les mots “Parmigiano Reggiano”, le matricule de la fromagerie, le mois et l’année de production et (ainsi que) les mentions DOP (AOP européenne) et Consorzio Tutela (Consortium de Tutelle). 

 

Pascale Weeks

Le fromage passe ensuite dans un moule en métal dans lequel il restera encore 2 jours pour terminer l'égouttage. A ce stade, le Parmesan n’a pas encore de croûte.

 

Le salage

 

C’est ce qui va permettre le développement de la croûte si caractéristique du Parmesan. Les fromages sont immergés dans une saumure (mélange d’eau et de sel) pendant 20 jours. Grâce au phénomène d’osmose, le sel va entrer dans le fromage et l’eau va en sortir. L’eau étant l'ennemi de l’affinage, il est important que le fromage soit bien sec pour pouvoir vieillir dans de bonnes conditions. Au bout de 20 jours, le sel aura progressé d’environ 3 centimètres et il faudra 24 mois pour que le sel soit distribué de manière équilibrée jusqu’au centre de la meule.

 

Le saviez-vous ? Le coeur du Parmesan, quand il a moins de 24 mois, est parfois vendu à part. Il est plus doux car le sel n’est pas encore arrivé jusqu’à lui.

 

L'affinage du Parmesan

Pascale Weeks

Après le salage, direction la cave d’affinage. C’est un endroit extraordinaire. Les meules sont posées sur des étagères en bois qui vont jusqu’au plafond. Les meules vont d’une couleur crème à une couleur caramel et il y règne une grande sérénité. Au bout de 12 mois, les inspecteurs du consortium vérifient chaque meule en les touchant et en les tapotant à l’aide d’un marteau en bois. 

 

C’est un travail de titan, sachant qu'environ 3,5 millions de meules sont produites par an par les 339 producteurs de l'AOP. Ce n'est pas un échantillon qui est vérifié mais bien chacune des meules.

 

Chaque coup de marteau doit produire un son identique, signe qu’il n’y pas de poches dans la pâte et que la croûte est uniforme. Les inspecteurs du Consortium peuvent également ouvrir 2 meules sur 1000. Si tout se passe bien, c’est là que le fromage devient vraiment un Parmesan (Parmigiano Reggiano). On lui appose au fer rouge une plaque qui est la marque de certification du Consortium de tutelle. Dans la fromagerie de Damiano, seuls 6% des fromages sont déclassés mais tout de même consommés.

 

Au bout de 12 mois, on peut vendre le Parmesan mais en moyenne, il est affiné 24 mois mais aussi beaucoup plus. Il n’y a pas de limite en fait car le parmesan a la capacité d’être affiné très longtemps..

 

Ne s’appelle pas Parmesan qui veut

 

Depuis 2008, seul le Parmigiano Reggiano - c’est à dire produit en suivant le cahier des charges du Consortium - peut s'appeler Parmesan en Europe. Malheureusement, ce n’est pas le cas dans le reste du monde, notamment aux États-Unis où le terme Parmesan est générique et pas toujours gage de qualité.

 

Je ne mangerai plus jamais un morceau de Parmesan comme avant. Je ne soupçonnais pas le travail et l'expertise fournis chaque jour de l’année par les producteurs de lait, les fromagers et les affineurs. C’est un beau produit aux saveurs complexes et je comprends beaucoup mieux l’attachement des Italiens et en particulier des habitants d’Emilie-Romagne pour ce fromage. Le Parmesan est un produit du terroir et qui occupe une grande place dans leur patrimoine culinaire.

 

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